Ces livres qui nous font du bien : "Le mal à dire " de Véronique Voorneveld- Brisson

Publié le par Claude Borghetto

Ces livres qui nous font du bien : "Le mal à dire " de Véronique Voorneveld- Brisson

1h du matin - 26° dans ma chambre.

Ruisselante , j'ai tout essayé: brumisateur , ventilo, gant froid et j'en passe ....Ouille, saleté de canicule !

Mon regard , épuisé, se pose machinalement sur la pile de livres en réserve et s'attarde sur un ouvrage offert très gentiment  par ma consoeure , Catherine Guy.

" Le mal à dire "de Véronique Voorneveld - Brisson.

Je tends une main moite pour saisir l'ouvrage : perdue pour perdue , autant que la nuit soit instructive !

Pour tout vous dire , je l'ai lu d'une traite, en 1 nuit et je vous le conseille ! Enfin ... pas la nuit , si possible !!

Véronique a eu un cancer . Du sein.

Et elle nous raconte son combat.

Corps agressé , moral affaibli et aussi , et peut être surtout , violences institutionnelles.

Donc on met au pluriel . Deux combats : celui contre le cancer et celui contre un suivi médical pas évident et même parfois défaillant et celui des fameuses "formalités administratives". Oui , vous avez bien lu , administratives.

Elle aborde avec beaucoup de sincérité la délicate question de la confiance . Certes confiance en soi mais aussi et surtout en autrui et notamment les équipes médicales.

La vie n'est pas acquise , nous dit-elle...Et parfois un regard vers le passé , "la vie d'avant" , nostalgique....Le regard de l'Autre , pas facile : compassion ou pitié ? Il est vrai qu'avec le cancer , c'est un plongeon dans un "océan de gravité et de vagues dévastatrices".

Elle raconte avec pudeur et sincérité le malaise  qui naît d'un manque de suivi médical : chaque patient est unique , paraît-il, et pris au piège dans son protocole par les statistiques nationales.

Pourtant , le temps qui passe pendant la maladie n'est pas un temps perdu  et surtout pas un temps mort car tout prend des proportions importantes. Et cette gestion du temps , une gestion optimale peut devenir une vraie force pour le malade.

Attention avec le mot "force" ! Un malade n'est jamais "fort" et derrière le regard solide du patient se cache la plupart du temps une détresse profonde. Ne soyons pas dupe.

La grande difficulté , nous dit-elle, , c'est aussi les questions sans réponses, les AR chez les médecins, la confusion dans les bilans, l'anonymat des entretiens et aussi  le manque de coordination des soins.

Elle exprime sa révolte à laquelle on adhère pleinement devant le manque de cohésion, l'insuffisance de prise en charge globale du malade : son état général n'est jamais vraiment pris en compte.

L'absence d'énergie et de créativité pénalisent un patient parfois à bout de souffle dans son parcours de soins.

Elle évoque le vide , terrible, qui entoure le patient : silence des médecins qui accentue l'insécurité, absence d'infos qui empêche toute initiative.

Calvaire assuré , nous raconte-t-elle, avec les erreurs administratives et les maladresses humaines couvertes par l'institution.

Un protocole qui manque d'anticipation peut vite devenir atroce pour le malade. D'où sa révolte en l'absence de coordination. Chacun opère dans sa spécialité , certes avec professionnalisme, mais le malade , lui , ne s'y retrouve pas.

La médecine actuelle avec sa juxtaposition de spécialités performantes  ne comble pas les soucis liés aux soins décousus que reçoit le malade.

Médecine protocolaire qui peut être dévastatrice.....

Pourtant le patient a besoin de comprendre .

Un protocole est accepté quand il est compris. Idem pour la maladie.

Absence de mots , d'explications , pour atténuer ces fichus effets secondaires: sport , alimentation? Silence radio.

Un effort pour avoir une présentation agréable , un peu de rouge à lèvres , un coup de blush sur les joues, effet bonne mine garanti...et tout le monde pense que tout va bien et qu'on peut se débrouiller seul ! Aie aie aie....

Elle insiste sur cette nécessité absolue de se donner les moyens de corriger le système , travailler les points faibles, pour atténuer un système appauvri en relations humaines ! 

Vous avez dit carcan administratif ?

Elle évoque le désordre administratif qui relève , selon elle, autant de la maladresse , que de l'irresponsabilité. Et la multiplication des échanges musclés car l'administration est , selon elle, une machine impitoyable.

Défaillance du système qui pompe toute l'énergie si précieuse du malade luttant contre ce satané cancer.

Carcan administratif ? Non. Violence institutionnelle selon l'auteur et on confirme.

Faire valoir ses droits , nous rappelle-t-elle , est un sport de haut niveau. Fichtre ! Faut-il mettre un harnais de sécurité pour parler à l'administration ?

On zappera l'aspect financier qu'on vous laisse découvrir au fil des pages , l'auteure étant totalement écoeurée sur le sujet....

On compatit et on comprend son incrédulité devant les agissements du fameux comité médical ou de l'employeur qu'elle qualifie de "mise en demeure".

Mise en demeure .

Avec un cancer.

Epreuve supplémentaire  que sont les contrôles .

Un cancer , ça se respecte , non ?

L'auteure évoque tout le bien apporté par la médecine complémentaire : l'homéopathie pour elle, la microkiné pour d'autres , réflexologie plantaire pour les chimios, hypnose pour les douleurs etc...

Des professionnels très à l'écoute avec lesquels on se sent accueilli et compris.

Les proches essaient souvent de tempérer la rage , la révolte , l'impuissance qui submergent le patient.

Mais qui peut réellement comprendre ce qui se passe ? Ceux qui l'ont déjà vécu. Et c'est tout.

L'auteure évoque sa colère face aux soucis administratifs , colère évidemment nocive  dans la mesure où elle mine le moral. Longue et pitoyable bataille , nous dit-elle,  qui laisse certes la tête haute mais le corps chancelant.

Elle témoigne donc sur le droit à l'écoute , au respect, à la dignité du malade, en appelant à la conscience collective , sociale et humaine pour traiter une maladie , le cancer , dont on sait qu'elle est sociologiquement terrorisante.

Aller chercher au plus profond de soi ses ressources, remettre en cause ses croyances, accepter de changer pour avancer et surtout survivre. Cela paraît simple mais ne l'est pas.

L'auteure nous dit s'être défendue contre la froideur et la lenteur de l'administration. Tout devient trop lourd et excessif à gérer.

Et celui qui aide à tout avaler, médicaments comme complications , c'est le médecin généraliste, celui qui gère la surcharge émotionnelle, les plaintes devant les incohérences médicales et les soucis administratifs , qui prend le temps de l'écoute pendant 1h voire plus. Pour 23 euros avant impôts.

Aucun médecin référent dans la globalité et la durée. Terrible.

Vous avez dit "guérison"?

Aucun médecin ne prononce le terme ; on a même entendu un médecin dire à la maman d'une jeune patiente : "Madame , on ne guérit jamais d'un cancer."

Point barre . Débrouillez-vous avec ça !

Administration coûteuse en temps passé , compliquée et parfois cassante. Institution peu compréhensive et déshumanisante selon l'auteure.

Des pièces administratives toujours manquantes , un parcours truffé d'erreurs administratives , un stress inutile et destructeur.

Et il faut justifier son état .

Justifier son état ! Avec un cancer ?!!

Que dire d'un expert médical  qui vous dit , avec le sourire, qu'il a l"'intuition" que vous serez en pleine forme dans 2 mois pour justifier , sans lire votre dossier médical, un temps partiel thérapeutique non renouvelable ? 

L'auteure souligne des médecins mandatés pour contrôler et non écouter la souffrance.

Stress inutile et destructeur. Enervement corrosif, nous dit-elle.

Elle nous délivre , le couteau entre les dents , sa rage face à l'acharnement à ficher les personnes, à traquer la moindre fraude. Incidences désastreuses sur les patients . On s'en doute....

Exprimer toute cette souffrance l'a libérée, elle le reconnaît . Poids et rôle des mots sur les maux. Un grand classique.

Alors pourquoi mettre cet ouvrage puissant mais violent émotionnellement dans la catégorie "Ces livres qui nous font du bien"?

Parce que Véronique Voorneveld- Brisson a osé parler , exprimer pour toutes celles qui endurent un cancer du sein , les confusions , maladresses des uns et des autres et qui épuisent et laissent exsangues les patientes.

Elle brise l'omerta et Actumediation , blog libre et indépendant , ne peut qu'apprécier.

"Tu te souviens quand Mémé disait des jeunes qu'il leur faudrait une bonne guerre  pour leur remettre les idées en place ? " , me dit Actu , songeur.

- Oui , bien sûr....Mémé avait connu 2 guerres et le fascisme...., ai-je répondu à Actu.

-Et bien , je pense qu'il faudrait à certains un bon cancer, me dit-il , doctement.

- C'est épouvantable !  Tu ne peux pas dire une chose pareille !  m'écriai-je.

- Si. Parce que certains ont besoin d'une leçon de vie.

Merci , chère Véronique , pour ce travail d'écriture remarquable qui traduit si bien le ressenti des patientes auxquels j'associe naturellement les hommes, et merci , ma chère Catherine , pour ce magnifique cadeau !

Un p'tit bisou?

Non , énoooorme , le bisou !

Rappel : en 2025, un Français sur deux aura un cancer....

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